L’architecture de la transparence

L’architecture de la transparence

Product dna. La traçabilité sociale et environnementale est une protection contre le risque. Mais c’est d’abord un engagement moral.

Robin Cornelius a quitté Switcher dont il ne conserve que 14% du capital. Pour se dédier entièrement à Product DNA, une startup qui ne l’est pas tout à fait puisqu’elle existe officiellement depuis décembre 2005. A ses côtés, Gilles Dana, responsable du CSR chez Switcher, et Sandra Schlittler, ancienne directrice  de la fondation Switcher. Product DNA est spécialisée dans la traçabilité, principalement celle des textiles.

Avec une expérience acquise au service de Switcher, son premier client, auquel il a fourni son Respect Code sur plus de 35 millions de pièces.

Aujourd’hui, Product DNA apporte sa garantie de traçabilité à d’autres marques et vient de pister les origines de 10 millions de sacs produits par BioApply. Premier organe de presse – et même premier visiteur externe -, l’Agefi découvre son nouvel espace au cœur de Lausanne.

 

A quoi correspond un Respect Code?

C’est une référence affichée sur l’étiquette du produit, au même titre que les instructions d’entretien, qui permet de remonter la chaine complète d’approvisionnement. Dans le cas d’une chemise, il liste chaque étape de production, depuis l’origine de la matière première – le coton par exemple – jusqu’au distributeur final, en passant par la filature, le tissage, la teinture, la confection et le transport. Chaque étape fait l’objet d’une enquête à deux volets: le volet social et le volet environnemental. Pour chaque point de passage, nous réunissons les certifications en matière de normes sociales (FairTrade par exemple) et environnementales (normes ISO, Quantis). Ainsi que d’autres éléments complémentaires comme celles relatives à la nocivité des composants. Nous demandons également de quelle manière la société contribue au bien-être social par des programmes de santé ou d’enseignement.

Dans la mesure du possible, nous obtenons aussi les mesures d’impact sur l’environnement en termes d’empreinte CO2 ou d’usage de l’eau. Le Respect Code apporte donc, par le biais de notre site respect-code.org, une information aussi complète que possible aux consommateurs sur la durabilité d’un produit, et sur ses parties prenantes, en coopération avec les fournisseurs de normes.

 

 

Le processus de traçage est-il très complexe?

Pas tant qu’il n’y parait lorsqu’il s’agit de produits textiles dont les chaines d’approvisionnement sont courtes et stables – en d’autres termes incluent peu d’étapes et une continuité dans les relations. Leur écobilan est donc relativement facile à établir. Ce serait une toute autre affaire s’il s’agissait de téléphones mobiles qui comportent des centaines de pièces d’origine différente.

 

 

Il s’agit tout de même d’une exigence lourde pour les distributeurs

Elle fait partie du droit de savoir des consommateurs. Ce type de traçabilité existe déjà pour les produits alimentaires, la biotech, la phama ou l’aviation. Pourquoi pas pour les vêtements qui sont en contact intime avec leur acheteur? En réalité, ce sont surtout les enseignes qui peuvent soutenir notre projet. Comme Migros qui consacre plusieurs étages au développement durable. Ou comme les acheteurs publics qui sont engagés dans des processus d’action durable de type Agenda 21. En fin de compte, ce sont justement les marques qui doivent imposer les normes et les règles car elles en ont le pouvoir.

 

 

Dans quelles conditions produisez-vous les codes?

Nous le faisons à la demande des clients. Pour chaque produit dont ils veulent établir l’origine, nous remontons la chaine et mettons en ligne les étapes et l’information qui s’y rapporte.

Les prestataires sortent ainsi de l’ombre. Ils ont enfin un visage – au sens propre car nous mettons aussi en ligne les photos des usines et des ateliers.

 

 

Quel est votre modèle économique?

Le coût d’audit d’une usine de 300 personnes s’étage entre 1000 et 2000 francs. En outre, il existe aujourd’hui des plateformes de partage des audits  tel SEDEX qui diminuent encore les coûts. A condition que la chaine soit simple et les quantités de produits importantes, nous touchons un pourcentage de l’ordre de 1% du prix FOB du produit. Il s’agit de quelques centimes à peine sur un t-shirt.

 

 

Comment convaincre les marques d’adhérer à votre concept?

Les deux plus grands risques aujourd’hui sont l’erreur de stratégie – pensez à Nokia – ou l’atteinte à la réputation. Une chaine de production non sécurisée comporte plus de risque d’accidents graves, comme celui du Rana Plaza, susceptibles de totalement déconsidérer une marque. La traçabilité offre une protection contre ce type de risque. Avec peu, on peut changer beaucoup.

 

 

Cette énumération d’étapes et la profusion d’information n’est-elle pas déconcertante pour le consommateur?

Ce n’est qu’une phase.  Nous comptons synthétiser ces informations par des notes qui permettront de classer chaque produit dans une gradation de type A, B, C sur le principe de l’étiquette-Energie sur la consommation d’énergie et les émissions de CO2 des voitures de tourisme.

 

 

Quelles sont les prochaines étapes?

Convaincre et convaincre encore. En passant peut-être un jour par le biais de l’enseignement.

 

interview:Nicolette de joncaire

 

Article entier sur: http://www.agefi.com/une/detail/archive/2015/february/artikel/product-dna-la-tracabilite-sociale-et-environnementale-est-une-protection-contre-le-risque-mais-cest-dabord-un-engagement-moral-392083.html

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