La fièvre des labels gagne la Suisse

La fièvre des labels gagne la Suisse

Développement durable, commerce équitable, agriculture biologique… Plus de 300 labels attestent de la qualité ou de l’orgine des produits. Mais que cachent ces étiquettes? Tour d’horizon.
Par Robert Gloy

Les labels se multiplient sur les produits vendus en Suisse. On dénombre aujourd’hui plus de 300 certifications différentes, selon une liste (non exhaustive) publiée l’automne dernier par le Bureau fédéral de la consommation. La fonction de ces logos et étiquettes qui fleurissent sur les articles? Leur apporter un attrait supplémentaire en signalant leur origine ou leur qualité: tel produit est issu du commerce équitable, répond aux principes de l’agriculture bio, respecte les critères du développement durable, provient d’une région spécifique ou a été fabriqué selon les méthodes de l’artisanat traditionnel.

Dans le seul domaine de l’agriculture bio, pas moins de 28 labels viennent certifier que les articles qui les arborent ont été produits dans le respect de l’environnement. Cela a représenté 6,9% du marché alimentaire en 2014. Du côté des produits issus du commerce équitable, les Suisses sont même les champions du monde, avec 53 francs dépensés par habitant en 2013.

Pouvoir des consommateurs

Cette multiplication des certifications de toutes sortes démontre qu’aujourd’hui, «les consommateurs exercent un pouvoir immense vis-à-vis de l’entreprise et de ses produits», analyse Marcel Paulssen, professeur en marketing à l’Université de Genève. Mais ces labels présentent aussi des avantages pour les producteurs: ils leurs permettent d’ «améliorer leur image auprès de leurs clients et même de leurs employés.»

A titre d’exemple, le label «Véritable artisan» a été lancé à la fin 2014 par la société des Artisans boulangers-pâtissiers-confiseurs vaudois pour mettre en avant leur savoir-faire traditionnel. Les critères pour l’obtenir sont stricts: toutes les pâtes, articles de pâtisserie, produits de confiserie et même les snacks doivent avoir été confectionnés dans l’entreprise. Il est toutefois possible de revendre des produits provenant d’une autre société du secteur, tant que la confection «maison» est assurée sur 80% de l’offre. Malgré cet important cahier des charges, le projet séduit. Plus de 80 producteurs ont été distingués, ce qui correspond à la moitié des membres de la société. Un élargissement à d’autres cantons romands est actuellement à l’étude.

Dans le domaine vinicole, les Artisans Vignerons d’Yvorne figurent parmi les premiers producteurs à avoir bénéficié du label Terravin, un des pionniers romands fondé en 1963 sur une initiative de la Fédération vaudoise des vignerons. Même s’il est difficile et cher à obtenir tous les ans — les producteurs paient 20 centimes par vignette qu’ils peuvent coller sur les bouteilles — Patrick Ansermoz, directeur de la société coopérative, souligne son importance. «Chaque année, une vingtaine de nos cuves sont labellisées. Ces dernières représentant nos produits phares. Si l’une de ces cuves n’obtenait pas le label Terravin, cela serait très mauvais pour nos ventes. Par exemple, la Coop, qui commercialise nos vins, y est très sensible. Nous sommes également en contact avec des commerçants au Japon qui nous ont approchés parce qu’il connaissaient ce label.»

En Suisse romande, la certification de provenance constitue une part importante des labels de qualité, comme le montrent les exemples de Valais Excellence, Produits du terroir ou Genève Région – Terre Avenir. «Ces labels de provenance ont une très grande importance pour les consommateurs romands, tandis que les Suisses alémaniques font beaucoup plus attention au processus de production, indique Barbara Pfenniger, responsable alimentation de la Fédération romande des consommateurs. Et même si les consommateurs se sentent un peu submergés par ces étiquettes, ils y font quand-même de plus en plus attention.» Le label AOP, qui témoigne des origines locales d’un produit, est connu par 84% des consommateurs romands et par 57% des consommateurs alémaniques.

Les vêtements aussi

A l’échelle suisse, le secteur des vêtements constitue deux tiers du chiffre d’affaires total des produits équitables, indique une étude réalisée en 2012 par l’association Swiss Fair Trade. La société lausannoise Product DNA se veut pionnière dans ce domaine. Elle a créé une plateforme internet qui permet aux consommateurs de remonter toutes les étapes de fabrication d’un produit — depuis le traitement des matières premières jusqu’à son arrivée chez les vendeurs — à l’aide d’un code qui se trouve sur son étiquette. Robin Cornelius, le fondateur de la marque Switcher, qui a été un des pionniers suisses dans la production éthique au début des années 1980, se trouve à l’origine du projet. Une dizaine de marques collaborent aujourd’hui à Product DNA, comme les sacs biodégradables Bio Apply. «Les consommateurs exigent de plus en plus de transparence, explique Robin Cornelius. Pour nous, les labels ne suffisent pas à garantir la provenance d’un vêtement et les conditions de sa fabrication. Nous voulons donner aux consommateurs la possibilité de vérifier la crédibilité de chaque label.» Même si la route est encore longue, Robin Cornelius souhaite que la traçabilité de chaque produit textile devienne un jour la norme.

Les labels de qualité ne s’appliquent pas seulement aux produits de consommation courante. On les trouve également sur les portes de certains établissements publics, à l’image de la nouvelle certification Vaud Oenotourisme, soutenue par l’Office du tourisme du canton. Elle vise notamment à stimuler le tourisme vinicole: «Les visiteurs sont de plus en plus sensibles aux expériences locales et veulent consommer des produits authentiques, indique Yann Stucki, responsable du projet. Avec notre label, nous leur donnons une sensation d’unité. S’ils le voient dans n’importe quel restaurant ou hôtel dans le canton, ils savent qu’ils recevront des vins et des produits du terroir vaudois», explique Yann Stucki. Pour l’instant, une quinzaine d’établissements — restaurants, hôtels, vignobles et lieux de vente de produits artisanaux — sont intéressés et prêts à payer 1′900 francs pour une formation de cinq jours. Ils doivent se soumettre à deux contrôles en trois ans, renouvelables.

Les entreprises peuvent également être certifiées par un label de qualité. L’initiative genevoise Eco-Label atteste depuis 2011 des efforts qu’elles déploient dans le domaine du développement durable, notamment quand elles développent le tri des déchets et réduisent leur consommation énergétique. Plus de 300 sociétés ont déjà été labellisées. Pour l’entreprise Soraco, active dans la construction de routes et dans l’aménagement d’espace urbain, ce label offre surtout un avantage lors des appels d’offres publics, comme le confirme Christophe Colin, responsable entre autres de la sécurité au sein de la société. Même si, précise-t-il, «une année après l’obtention du label, nous n’avons pas encore ressenti d’effet direct sur notre chiffre d’affaires». L’initiative Eco-Label présente un autre avantage: avec sa gamme de prix allant de 300 à 5000 francs par année en fonction de la taille de l’entreprise, il reste nettement moins cher qu’une démarche de certification ISO (environ 20′000 francs pour une entreprise de 50 personnes).

Malgré le succès des labels auprès des consommateurs, certaines entreprises restent prudentes, à l’image du chocolatier Camille Bloch, basé à Courtelary, dans le canton de Berne. Plutôt que d’investir dans une certification, qui lui coûterait cher, la firme préfère investir dans ses propres projets au Ghana, d’où elle importe la majeure partie de son cacao. «Il s’agit de projets d’infrastructure, mais également de formations pour les agriculteurs qui reçoivent une prime supplémentaire en plus du prix du cacao», indique la responsable de la communication Regula Gerber. Elle souligne que, pour Camille Bloch, il est plus important que les consommateurs fassent confiance à la marque, sans que celle-ci ne doive déléguer cette responsabilité à un label.

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