La totalité des espèces d’oiseaux marins contaminée par le plastique d’ici à 2050

La totalité des espèces d’oiseaux marins contaminée par le plastique d’ici à 2050

Plus aucune espèce d’oiseau marin n’échappera à la contamination par le plastique d’ici à 2050. La mer de Tasmanie, havre de biodiversité, sera particulièrement touchée.

La présence de plastique dans l’estomac des oiseaux provoque occlusions intestinales et intoxications chimiques. (Visuals Unlimited/Science Photo Library)

La présence de plastique dans l’estomac des oiseaux provoque occlusions intestinales et intoxications chimiques. (Visuals Unlimited/Science Photo Library)

Les oiseaux marins actuellement en vie sont peut-être parmi les derniers à être épargnés par la pollution aux plastiques. Une étude publiée le lundi 31 août dans la revue américaine PNAS et menée par des biologistes australiens et britanniques conclut que la quasi-totalité de ces espèces d’oiseaux devrait vraisemblablement être contaminée par des fragments de plastique d’ici à 2050.

Avec 5250 milliards de particules représentant un total de 275 000 tonnes, les chiffres du «septième continent» ont de quoi donner le tournis. Ces immenses tapis de débris plus ou moins gros, découverts dans le Pacifique Nord en 1997 par le navigateur Charles Moore, convergent vers des zones appelées «gyres», sortes de tourbillons qui piègent tout ce qui flotte. Ils font l’objet d’un nombre croissant de publications scientifiques qui essaient d’en évaluer la superficie exacte, les déplacements au gré des courants ou encore l’impact sur la faune océanique.

On peut s’en douter, cette dernière ne fait pas très bon ménage avec de tels polluants. Les tortues de mer s’étouffent avec les sacs plastique, les poissons ingèrent des ­micro-particules potentiellement toxiques, les mammifères subissent de graves occlusions intestinales, et bien entendu les oiseaux marins en souffrent aussi: «Ils avalent à peu près tout ce qui flotte, cadavres, rejets de pêche, mais aussi morceaux de plastique», énumère le biologiste ornithologue Bernard Cadiou, de l’association Bretagne vivante (Brest).

Malgré tout, l’impact précis de cette contamination n’est pas des plus faciles à analyser, explique-t-il: «Pour mener ces études, il faut du matériel biologique mort, ce qui suppose d’attendre des échouages massifs d’oiseaux marins pour ensuite examiner le contenu de leur estomac. Et, même dans ce cas, le lien de cause à effet entre la présence de plastique et le décès de l’animal reste à prouver.»

Face à ce constat, l’équipe australo-britannique a opté pour une approche quelque peu différente en construisant un modèle numérique capable de prédire le taux d’exposition au plastique des oiseaux marins. Pour y parvenir, Chris Wilcox et son équipe de l’Organisation fédérale australienne pour la recherche scientifique et industrielle ont rentré dans un ordinateur de nombreuses données relatives à 186 espèces d’oiseaux marins, parmi lesquelles la superficie de leurs territoires, les trajets de leurs migrations, les lieux de nidification, etc.

Ces prédictions en poche, les scientifiques les ont confrontées aux données issues de quarante ans de littérature scientifique (autrement dit, d’études dans lesquelles ont été examinés les contenus des estomacs d’oiseaux marins morts). Sans surprise, il y a une forte corrélation entre exposition et ingestion de plastique. Poursuivant l’analyse, les biologistes en ont déduit à quel rythme devrait évoluer la contamination des oiseaux marins. Résultat, compte tenu des quantités croissantes de plastique déversées dans les mers par les activités humaines, près de 90% des espèces sont aujourd’hui vraisemblablement contaminées. Un chiffre qui devrait même grimper à 99,8% d’ici à 2050!

Dans un deuxième temps, Chris Wilcox a utilisé les données issues de son modèle pour établir une carte mondiale des espèces les plus exposées au plastique. Celles-ci semblent se concentrer dans l’hémisphère Sud, dans la mer de Tasmanie, qui sépare l’Australie de la Nouvelle-Zélande (voir l’infographie). Le résultat a de quoi surprendre: la zone est peu soumise aux pressions anthropiques et «ne correspond pas aux régions où l’on trouve beaucoup de plastique», note Chris Wilcox. Les principaux gyres océaniques sont en effet localisés dans le Pacifique Nord et l’Atlantique Nord. Un résultat qui n’étonne pas Bernard Cadiou. Cette mer australe abrite une importante diversité d’oiseaux marins, dont «certaines espèces peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour ramener de la nourriture à leurs petits». Sans oublier que les débris voyagent eux aussi sur de telles distances avant de rejoindre les gyres. Autant de facteurs qui favorisent l’exposition des oiseaux au plastique, et augmentent donc la probabilité d’en retrouver dans leur estomac.

«C’est une approche originale dans laquelle les auteurs ont compilé beaucoup de sources de données», résume Bernard Cadiou. Reste que, si exposition et ingestion de plastique sont directement corrélées, rien ne renseigne sur les effets précis du plastique sur les organismes, certaines espèces étant plus vulnérables que d’autres. «Celles qui nourrissent leurs oisillons en régurgitant de la nourriture dans leur bec sont plus particulièrement touchées», indique Bernard Cadiou, citant l’exemple des albatros de Laysan, dont les petits meurent par dizaines de milliers.

A-t-on signé l’arrêt de mort de toutes ces espèces? Les auteurs préfèrent conclure sur une note optimiste, en faisant valoir qu’une ­réduction directe des déchets déversés dans la mer se traduira directement par une moindre contamination de tous ces animaux.

 

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